La tête et les jambes
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La tête et les jambes

Dernière mise à jour : 18 août 2022

Les grands amateurs de cyclisme se souviendront toujours des grands champions et des victoires enlevantes qui ont marqué leur carrière. Des guerriers, couverts de poussière, qui affrontent toutes les températures sans broncher. Mais comment font-ils? Quel entraînement amène un corps humain à accomplir des actes si dures? Dans un monde où les yeux se tournent vers les statistiques, on oublie vite l'importance du mental, ce moteur puissant capable de repousser les limites du possible. Cette semaine, on fait l'anatomie d'un champion en passant par l'approche, l'attitude et les objectifs.

 

L'approche


Au départ d'une course, vous pouvez avoir les meilleures jambes du monde, si la tête n'y est pas, la performance n'y sera probablement pas non plus. Avec la modernisation des technologie d'optimisation et de quantification des efforts, le focus a beaucoup été tourné vers les chiffres. Cependant, lorsqu'on s'intéresse aux performances dans leur tout, l'aspect mental est non-négligeable. Dans un monde comme aujourd'hui, il s'agit donc de trouver un compromis entre l'importance qu'on accorde à ce que l'on voit, ce que l'on pense et ce que l'on sens.


D'une part, le cycliste moderne a besoin de comprendre ce qu'il fait, pourquoi il le fait et ce qu'il en tire comme bénéfices. D'autre part, l'histoire a donné raison à ceux qui ont su maîtriser l'art de se connaître. Dans un contexte comme celui-ci, apprendre à porter un regard critique sur ses propres données, sans se laisser absorber par leur importance quantitative devient une nécessité. En effet, puisque les données sont le portrait d'une période fixe dans le temps (un jour, un mois, une année), celles-ci peuvent facilement devenir un frein à la progression dans une situation où la tête est prête à amener le corps à se surpasser. Prenez l'exemple d'une côte de 2 km que vous voulez monter à 192 bpm. Votre meilleure montée en entraînement plafonne autour de 185 bpm. Vous pourriez vous surprendre à réussir, à certaines occasions (courses, encouragements, compétition amicale) à atteindre votre objectif sans modifier votre préparation physique. Si vous gardez les yeux rivés sur votre compteur, vous vous projetez en train de casser et vous ralentissez, vous passerez à côté d'une opportunité en or de vous dépasser et d'apprendre ainsi à vous connaître davantage.


Ce qu'il faut retenir, c'est donc que les données sont un baromètre et qu'il faut faire preuve de jugement quant à leur interprétation. Laissez de côté les analyses trop poussées, prenez vos données pour ce qu'elles sont et laissez vos pulsions vous guider vers de nouveaux sommets lorsque le contexte vous le permet.


L'attitude


Dans le milieu du vélo, on parle souvent de l'importance d'avoir du caractère. Il est évident qu'un athlète qui sait ce qu'il veut et qui ne se laisse pas intimider aura plus de facilité à faire son chemin. Mais qu'entend-t-on exactement par ce terme? Et comment ces qualités se transposent-elles à l'effort?


Au sens propre, le caractère d'une personne est la réaction qu'elle adopte en réponse à une situation donnée. En vélo, on pense donc à l'ensemble des qualités psychologiques (comme le courage, la détermination, l'ambition et la résilience) qui entraînent des comportements constructifs. Dans un sport où il y a beaucoup d'endurance, de douleur et de défis, la capacité de faire appel à l'une ou l'autre de ces qualités amplifie le facteur "course" ou encore les fameuses occasions desquelles nous parlions dans la section précédente. Alors que la forme physique, la stratégie et l'expérience assurent l'accomplissement de bons résultats, c'est souvent dans un mélange d'ardeur, de folie et d'instinct que naissent les performances d'exception. Générer ce type de réponse sous pression permet d'accéder à un rendement supérieur à celui observé à l'entraînement. Développer les qualités psychologiques d'un athlète prend ainsi la même importance qu'entraîner son corps à subir des efforts intenses répétés ou des changements de rythme.


Les objectifs


L'établissement d'objectifs à court, moyen et long terme sert de canal pour la motivation et l'énergie investie. Avec une bonne approche et une attitude gagnante, un objectif bien placé peut servir de détonateur à la "progression atomique" décrite plus haut.


On peut voir les trois types d'objectifs comme des montagnes d'une hauteur plus ou moins grande. À l'image de l'ascension d'une montagne réelle, le sentiment de satisfaction suite à accomplissement d'un objectif est proportionnel à l'effort requis pour atteindre son sommet. L'objectif à court terme peut être vu comme une petite colline: souvent très atteignable, c'est la marche qui suit dans la progression d'un athlète. La réussite constante et renouvelée de celui-ci permet de garder le moral dans les longueurs qui suivent l'attente de la réussite d'un objectif subséquent. L'objectif à moyen terme est une montagne d'une hauteur raisonnable: son accomplissement demande plus d'effort que l'objectif à court terme et s'étend sur une période temporelle plus longue. Comme il prend plus de temps à atteindre, le bénéfice qu'il amène est également de plus longue durée. L'établissement de quelques objectifs de ce type permet de séparer l'accomplissement d'un objectif plus important en paliers, assure une progression constante et encourage ainsi à poursuivre l'investissement. L'objectif à long terme est la montagne ultime. Lorsqu'on parle long terme, surtout dans un sport comme le cyclisme, on pense à une période de plusieurs années. L'accomplissement d'un objectif de ce type demande un très grand investissement et le bénéfice qu'il apporte repose souvent plus dans le chemin qui mène vers sa réussite que dans la réussite en tant que telle. Cependant, s'il est le plus dur à atteindre, c'est aussi celui qui entraîne la plus grande satisfaction. La satisfaction est tellement grande qu'elle fait vibrer d'autres avec soit. Pour illustrer ces propos, on peut penser à Alaphilippe qui porte le maillot jaune 14 jours au cours du Tour de France 2019 ou Caparaz qui remporte le Giro pour l'Équateur.

 

Alors, une tête bien faite pour comprendre le sens du mot préparation physique personnalisée, une tête folle pour réaliser un exploit qui vous paraît inaccessible, des objectifs bien pensés pour orienter votre fougue et vous verrez que ces "machines" sont bien plus humaines qu'ils ne le paraissent. Et que c'est cette humanité, avant tout, qui fait la plus grande force d'un champion.


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